En France, la présence d’amiante naturel dans les carrières alluvionnaires soulève des enjeux complexes en matière de santé publique, de réglementation et de responsabilité environnementale. Les études récentes du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES) mettent en évidence la nécessité d’un encadrement renforcé pour limiter les risques liés à l’émissivité des matériaux et à l’exposition des travailleurs, des populations et des consommateurs. Nous vous en parlions suite au SPA 2024, voici quelques précisions.
Carrières alluvionnaires : un contexte géologique spécifique
Les carrières alluvionnaires exploitent des matériaux non consolidés comme les sables, graviers et galets. Une étude du BRGM révèle que, sur les 222 carrières examinées à l’échelle nationale, 81 présentent un risque élevé de contenir des roches amiantifères. Parmi celles-ci, 23 ont été pré-expertisées, et pour 16 d’entres elles, il a été confirmé la présence de fibres d’amiante. Ces résultats, parfois basés sur des proportions faibles – souvent quelques galets dans des stocks importants – imposent une gestion rigoureuse en raison des dangers associés à l’amiante .
Il est crucial de noter que ces chiffres concernent uniquement les carrières alluvionnaires. Les carrières en roche massive ne sont pas couvertes par ces analyses spécifiques, elles ont été inventoriées dans les années 2010 et celles présentant des facteurs de risques font l’objet de surveillance particulière par leurs autorités de tutelles, Bureau GDA accompagne de nombreux carriers sur ces sujets.
La découverte d’amiante dans des granulats reste un sujet délicat, car la réglementation ne tolère aucune trace, quelle que soit la quantité trouvée.
Les risques identifiés par l’ANSES
Dans son rapport, l’ANSES met en lumière trois principaux défis liés à l’amiante environnemental :
- Émissivité des matériaux : Certaines roches émettent des fibres d’amiante dans l’air lors de manipulations ou d’usure. Il n’existe actuellement pas de norme harmonisée pour mesurer cette émissivité.
- Exposition des travailleurs et de la population : Les travaux de découpe, broyage ou transport de granulats contenant de l’amiante augmentent le risque d’inhalation pour les travailleurs et les riverains.
- Traçabilité complexe : Les matériaux extraits des carrières peuvent se mélanger ou provenir de pays où la réglementation sur l’amiante est moins stricte, compliquant la surveillance des risques.
Les recommandations clés de l’ANSES
Pour répondre à ces problématiques, l’ANSES recommande une approche préventive et globale :
- Caractérisation précise : L’amiante doit être détecté avec des méthodes normalisées par des laboratoires accrédités. On regrettera ici que l’ANSES ne mentionne pas plus explicitement les repérages géologiques qui peuvent être réalisés sur les sites d’exploitation, bien plus pertinents que des échantillonnages et analyses à l’aveugle.
- Normes d’émissivité : Développer des protocoles standardisés pour évaluer l’émissivité des matériaux dans des conditions réelles d’utilisation.
- Surveillance de l’exposition : Mettre en place des campagnes de mesures dans les zones proches des carrières et sur les chantiers.
- Sensibilisation : Informer les professionnels et les particuliers sur les risques liés aux matériaux contenant de l’amiante.
Ces recommandations s’inscrivent dans une réflexion plus large au niveau européen, où des initiatives visent à harmoniser les réglementations sur l’amiante, y compris pour les matériaux contaminés de manière non intentionnelle.
Les mesures immédiates demandées par le Gouvernement
À la suite de la publication du rapport de l’ANSES, le Gouvernement a annoncé un plan d’actions pour encadrer les carrières concernées :
- Protection des travailleurs : Les exploitants doivent évaluer et prévenir le risque d’exposition pour leurs salariés et sous-traitants.
- Surveillance de l’air : Des analyses de la qualité de l’air autour des carrières seront réalisées sous la supervision des DREAL.
- Sécurité des produits : Les granulats issus des carrières doivent être analysés pour garantir leur conformité avant leur commercialisation.
- Traçabilité des matériaux : Une enquête nationale, menée par le Service national des enquêtes (SNE), vise à suivre les granulats de leur extraction à leur utilisation finale.
La caractérisation de l’émissivité parait un enjeu primordial.
Le BRGM a également été chargé de développer un protocole détaillé pour aider les exploitants à caractériser les fibres d’amiante présentes sur leurs sites.
Un enjeu collectif et une réponse urgente
La présence d’amiante environnemental dans les carrières alluvionnaires pose des défis techniques et réglementaires, mais aussi sanitaires et environnementaux. Si les quantités détectées peuvent être infimes, le risque sanitaire « sans seuil » de l’amiante exige une vigilance accrue.
De nombreuses réactions ont déjà émergées suite à cette mise en lumière de la problématique amiante environnemental dans l’industrie minérale.
Alternatives Economiques publie un article complet qui évoque la communication interne du ministère du travail (recommandant des précautions particulières aux inspecteurs du travail intervenant sur des carrières)
Ainsi que la réaction des syndicats (Sylvain Metropolyt représentant la CFDT au Conseil d’Orientation des Conditions de Travail) qui rappelle que le sujet concerne en premier chef « les salariés des carrières mais aussi l’ensemble des travailleurs de la chaine de traitement », en particulier il souligne « la problématique des travaux de BTP sur des terrains identifiés comme contenant de l’amiante » et espère que ces sujets permettront une sortie rapide de l’arrêté d’application des repérages avant travaux de l’amiante environnemental pourtant inscrits au Code du Travail depuis 2017.
De son coté l’association de victimes Andeva s’étonne du rythme de reconnaissance adopté pour ces carrières à risque.
Avec l’adoption de mesures renforcées et le développement d’outils d’évaluation performants, la France espère limiter les risques et anticiper les impacts à long terme sur la santé publique.
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