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L’Amiante Environnemental

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Tags:  Santé Sécurité Repérage Amiante NF P94-001 Géologie de l'Amiante Prévention SS4

chrysotile
Fibres de Chrysotile

Amiante. Nom masculin (grec amiantos, incorruptible) : Nom donné aux variétés fibreuses de certains minéraux (amphiboles et serpentines) qui peuvent se tisser. Silicate hydraté de calcium et de magnésium (amphibole), à texture fibreuse, résistant à l’action du feu. (La fabrication et la vente de produits contenant de l’amiante sont interdites, en France, depuis 1997.) Larousse, 2021.

Le problème de santé publique posé par la présence d’amiante dans certains environnements naturels est de mieux en mieux pris en compte.

En effet, de nombreux affleurements rocheux essentiellement en Haute-Corse, Nouvelle-Calédonie, dans les Alpes, au sein du Massif Central, du Massif armoricain et de la chaîne des Pyrénées posent des problèmes sanitaires lors d’aménagements. Par des phénomènes naturels d’érosion et d’altération, ou lors de travaux particuliers (terrassements, constructions, voiries, aménagements, etc.), des fibres d’amiante peuvent être libérées et sont associées à des risques sanitaires professionnels mais aussi plus largement à des risques de santé publique.

Mais qu’est-ce que réellement l’amiante ? Et pourquoi est-il si présent dans notre environnement ? Suivez ici notre dossier sur l’Amiante Environnemental ou l’amiante dite naturel ainsi que son évolution réglementaire en 2021.

Géologie de l’amiante et fibrogénèse

Le terme amiante (du grec amiantos et du latin amiantus pour “pure, incorruptible”), autrefois aussi appelé asbeste, est un terme industriel voir commercial désignant des minéraux à texture fibreuse. Cette substance minérale correspond à six catégories d’amiante qui sont en fait des espèces minérales de silicates fibreux. Un faciès dit asbestiforme résulte d’une croissance unidirectionnelle (fibres fines et longues) du minéral dans la roche et qui confèrent à ce faciès particulier des propriétés physiques et chimiques exceptionnelles :

  • Incombustible ;
  • Ininflammable ;
  • Ne s’use pas ;
  • Forte résistance à la traction (même supérieur à l’acier) ;
  • Résistant aux attaques chimiques ;
  • Isolant thermique ;
  • Isolant acoustique ;
  • Isolant électrique
  • Matériau léger ;
  • Matériau hydrique ;
  • Absorbant et restituant l’eau sans déformation.
Tableau des variétés minérales asbestiformes et non asbestiformes
Tableau des variétés minérales asbestiformes et non asbestiformes

Ces faciès asbestiformes étaient utilisées pour ces propriétés rares et pour leur prix de revient peu onéreux. Cet intérêt est cependant maintenant relégué au second plan par le danger que représente cette substance sur la santé humaine.

En France, la présence d’amiante dans l’environnement naturel concerne plusieurs grands domaines géologiques et particulièrement les domaines orogéniques anciens et actuels. Les gisements d’amiante se forment plus précisément dans des contextes tectoniques cassants : failles ou cisaillements. La formation des faciès asbestiformes résulte donc du métamorphisme. Les péridotites (roches ultrabasiques du manteau supérieur) constituent la quasi-totalité des gisements d’amiante (Alpes, Corse, Nouvelle-Calédonie…). Les stades successifs de cristallisation de serpentines et d’amphiboles fibreuses constituent d’excellents marqueurs de différents événements géodynamiques.

Le chrysotile (amiante blanche), la forme minérale la plus répandue et historiquement la plus exploitée (l’antigorite est sa variante ferro-magnésienne), appartient à la famille des serpentines qui sont des minéraux dérivés des minéraux primaires des péridotites métamorphisées par une hydratation par circulation principalement de fluides endogènes. L’actinolite-amiante, l’amosite (aussi appelée amiante brune, acronyme d’Asbestos Mines of South Africa), l’antophyllite, la crocidolite (amiante bleue) et enfin la trémolite-amiante sont les amphiboles fibreuses les plus répandues.

Filon de chrysotile dans une serpentinite
Filon de chrysotile dans une serpentinite

Les fibres d’amiante forment souvent des paquets qui se séparent facilement en des brins très fins présentant un aspect cotonneux, avec localement des fibres entrelacées ou tissées, dont l’aspect est très proche des fibres organiques ou synthétiques.

La libération de ces fibres peut être favorisée par des processus supergènes (associés à l’altération météorique) très présents en Nouvelle-Calédonie et localement en Corse.

Ce qu’il faut retenir:

L’amiante est un terme commercial et non géologique. L’amiante est constitué de deux groupes minéralogiques : les serpentines (le chrysotile) et les amphiboles.

L’Amiante Environnemental, dont le risque a longtemps été sous-estimé, se localise principalement en France dans les massifs montagneux.

Exposition professionnelle et des populations

Tout d’abord il est important de considérer que toutes les variétés d’amiante sont cancérigènes selon l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM, 1996).

L’exposition professionnelle, plus facilement mesurable à travers des études épidémiologiques que l’exposition non professionnelle, est maintenant assez bien connue. On sait qu’elle concerne principalement les travailleurs du bâtiment ou des travaux publics (BTP), qui peuvent inhaler des poussières émises par des chantiers mettant en jeu des sols ou des roches amiantifères (travaux de reconnaissances géotechniques, forages, fondations, réseaux / VRD, travaux de creusement souterrains, carrières…). Ces travailleurs peuvent être exposés temporairement et localement à des pics de pollutions si aucune précaution individuelle et collective ne sont prises. Les durées d’exposition de ces travailleurs peuvent être très variables, de ponctuelle à sub-chronique suivant la fréquence des activités.

Terrassement
Chantier de terrassement

Concernant la santé publique au sens large, les populations susceptibles d’être touchées se localisent en général au droit ou à proximité immédiate des zones d’affleurement des roches amiantifères. En étant au voisinage de ces affleurements (habitations, pistes, potagers, champs agricoles, terrain de jeux…), les populations s’exposent de façon chronique (sur des décennies) aux fibres d’amiante libérées dans l’air.

Ponctuellement, les populations peuvent être aussi exposées lors d’opérations de terrassements à proximité de leurs lieux de résidence. Cette exposition a alors lieu pendant et après la fin de ces travaux s’il n’a pas été procédé convenablement à une couverture complète des découverts et des déblais. L’ensemble de ces travaux contribuent à la dissémination de matériaux amiantifères et à une augmentation conséquente du nombre de sources d’émission de poussières d’amiante dans l’atmosphère, entraînant un véritable accroissement du bruit de fond ambiant.

D’une manière générale, les paramètres d’exposition et donc le risque ne peut être considéré comme homogène dans le temps et identique pour toutes les personnes exposées. Il varie selon les situations de vie et bien évidemment de la présence ou non d’affleurement de roches porteuses de faciès asbestiformes dans le cadre des activités familières de chacun. Les niveaux d’exposition aux fibres d’amiante peuvent s’avérer critiques si les situations sont reproduites ou bien encore prolongées dans le temps. A cela s’ajoute le facteur aggravant des espaces confinés : logement de faible surface, habitacle automobile, cabine d’engin…

Dans la plupart des cas, l’exposition est alors qualifiée de « multi factorielle » pour les populations exposées.

Ce qu’il faut retenir:

Dans le milieu professionnel, les principaux risques pour la santé liés à l’Amiante Environnemental sont rencontrés lors des activités nécessitant des remaniements de terrain (poussières): bâtiment et travaux publics (BTP), voiries et réseaux divers (VRD), carrières, terrassements, fondations, déblais, excavations, etc..

Ponctuellement, les populations dont l’habitat est à proximité de ces chantiers peuvent aussi être exposées.

Symptômes associés à l’exposition

Tout comme dans le contexte de l’amiante industriel, l’Amiante Environnemental peut provoquer des maladies du système respiratoire, par inhalation de fibres dès lors que la roche est altérée et qu’il y a mise en suspension de ces fibres dans l’air (poussières, débris, vent…). De 400 à 500 fois moins épaisse qu’un cheveu, les fibres d’amiante sont invisibles dans les poussières. Inhalées, elles peuvent se déposer au fond des poumons et provoquer des maladies respiratoires.

La plupart des maladies associées à l’amiante sont relativement bénignes (plaques pleurales…), mais d’autres pathologies s’avèrent être très graves :

  • Asbestose ou fibrose: avec une insuffisance respiratoire parfois très sévère ;
  • Cancer des poumons, un cancer non spécifique de l’amiante et fortement aggravé par le tabagisme ;
  • Cancer de la plèvre (enveloppe des poumons) ou « mésothéliome », cancer propre à l’amiante et présentant généralement un mauvais pronostic. Le temps de latence avant la déclaration de la maladie peut être très long : de 10 à 40 ans après les premières expositions.
  • Mais le risque sanitaire ne s’arrête malheureusement pas là, le risque cancérogène étant aussi connu aussi pour le larynx et les ovaires. Toutes les variétés d’amiante sont classées cancérogènes.

Il est impossible aujourd’hui de connaître les seuils de déclenchement d’une maladie, celui-ci dépendant a priori de la sensibilité de chacun, de la fréquence et de l’intensité d’exposition, de la taille des particules inhalées, mais aussi de de leur nature minéralogique et chimique.

Poumons
Poumons humains (vue d'artiste)

Ce qu’il faut retenir :

Les fibres d’amiante dans l’air (poussières) sont le plus grand danger car elles peuvent se déposer au fond des poumons. La plupart des maladies associées à l’amiante sont relativement bénignes, mais d’autres pathologies sont très graves.

Les évolutions réglementaires et normatives

Le code du travail impose depuis la loi du 8 août 2016 (loi 2016-1088 dite ‘El Khomry’ créant l’article L4412-2) une obligation claire de rechercher la présence d’amiante préalablement à toute intervention sur des matériaux, des équipements, des matériels ou des articles susceptibles d’exposer des travailleurs à l’amiante. Depuis, des précisions successives sur les modalités de ces recherches ont été apportées.

Le décret du 9 mai 2017 prévoit la création d’un vrai repérage amiante avant-travaux, à l’initiative du donneur d’ordres du maître d’œuvre et/ou du propriétaire du bien devant subir les travaux, par la modification de l’article R4412-97 du Code du Travail, et la création de 6 nouveaux articles, R4412-97-1 à 6. Ce décret a défini les domaines d’activité pour lesquels il est obligatoire :

  • Les immeubles bâtis ;
  • Les autres immeubles tels que terrains, ouvrages de génie civil et infrastructures de transport ;
  • Les matériels roulants ferroviaires et autres matériels roulants de transports ;
  • Les navires, bateaux et autres engins flottants ;
  • Les aéronefs ;
  • Les installations, structures ou équipements concourant à la réalisation ou la mise en œuvre d’une activité.

Ce décret précise notamment :

le donneur d’ordre, le maître d’ouvrage ou le propriétaire d’immeubles par nature ou par destination, d’équipements, de matériels ou d’articles doit faire rechercher la présence d’amiante, préalablement à toute opération comportant des risques d’exposition des travailleurs à l’amiante.

Le repérage doit être réalisé par des opérateurs qualifiés, indépendants et selon une méthodologie précise.

Le décret prévoit que l’ensemble des dispositions particulières de ces repérages, notamment en termes d’attendus techniques et de modalités de réalisation, mais également en termes d’exigibilité réglementaire dans la démarche de prévention des entreprises sera précisé dans des arrêtés spécifiques du ministère chargé du travail pour les 6 domaines d’applications identifiés. Le domaine qui nous intéresse ici : “2° Autres immeubles tels que terrains, ouvrages de génie civil et infrastructures de transport“ devra donc faire l’objet de précisions et est applicable au plus tard le 1er octobre 2020 (date mise à jour par le décret 2019-251 du 27 mars 2019).

Bien qu’à ce jour l’arrêté ne soit pas publié, l’obligation de repérage amiante avant travaux sur les sols et roches en place est donc effective depuis octobre 2020.

Ce repérage est donc d’ores et déjà un élément clé et strictement obligatoire des démarches de prévention des risques des entreprises intervenantes. Il devra être joint :

  • au dossier de consultation des entreprises (article L4412-2);
  • au plan de prévention (article R4412-148 et R4512-11);
  • au dossier d’intervention ultérieure (article R4532-95);
  • et, le cas échéant, au plan de retrait (article R4412-133). L’entreprise intervenante devra donc impérativement réclamer ce repérage au donneur d’ordre et/ou maître d’ouvrage qui sera dans l’obligation de lui fournir et donc de faire réaliser ce repérage en bonne et due forme (article R4532-7). Également, en cas de sous-traitance, l’entreprise utilisatrice devra communiquer ce document à l’entreprise extérieure (article R4511-8).

Techniquement, l’arrêté à venir devrait se baser sur la norme d’application obligatoire “Repérage Amiante Environnemental - Étude géologique des sols et des roches en place - Mission et méthodologie” PR NF P94-001, en cours de finalisation et dont la publication prévue en septembre 2020 a été repoussée à courant 2021.

La norme définit plusieurs niveaux d’approfondissement du repérage en fonction du contexte géologique : A0, A1 et A2. Elle établit les critères nécessaires en termes de compétences géologiques fines pour être ‘géologue opérateur de repérage’, c’est à dire pour être habilité à réaliser de tels repérages mais également met en avant la notion d’indépendance vis-à-vis du donneur d’ordre. Ainsi il est dit que :

La bonne connaissance de la réglementation et de la gîtologie de l’Amiante Environnemental est le préalable nécessaire à la réalisation d’un repérage de qualité. […] Le rapport établit l’absence ou la présence d’Amiante Environnemental ainsi que, dans ce dernier cas, la nature et la localisation de l’Amiante Environnemental dans les objets géologiques qui en contiennent. Il doit permettre d’appréhender le risque amiante et de contribuer à l’évaluation des risques du donneur d’ordre puis de l’entreprise de travaux.

Elle définit le contenu, la méthodologie et les modalités de réalisation des missions de repérage d’Amiante Environnemental avant travaux dans les sols et roches en place, c’est-à-dire n’ayant subi aucune action anthropique.

Selon le vœu de la Direction générale du travail, cette norme sera rendue d’application obligatoire.

Elle pose aussi les jalons, des compétences requises du ‘géologue opérateur de repérage’. En effet, ce repérage requiert une bonne connaissance des roches et des sols ainsi que des processus géologiques permettant la formation d’Amiante Environnemental. La norme demande également une expérience de terrain et de la rigueur. Il convient donc que la personne qui recherche les objets géologiques susceptibles de contenir de l’Amiante Environnemental, puis localise et identifie ceux qui en contiennent effectivement, satisfasse à un certain nombre d’exigences. Ce géologue opérateur de repérage doit justifier de compétences techniques spécifiques (géologie, minéralogie, pétrographie et processus hydrothermaux…) et d’une assurance pour ce type d’activités. Enfin, il doit avoir suivi la formation à la prévention des risques liés à l’amiante.

Ce repérage sera progressif (missions A0, A1 et A2).

Et pas systématique, en effet il est fortement possible que certains départements en soient exemptés.

Mission A0

Partout ailleurs, le repérage sera nécessaire, c’est la mission A0, mais dans la majorité des cas, l’étude géologique se base sur la bibliographie, les cartes géologiques et les cartes d’aléas du BRGM, ce stade devrait souvent se révéler suffisant pour dire si le terrain/chantier/site se situe dans une zone véritablement à aléa ou non.

Mission A1

Si le géologue opérateur de repérage n’a pas pu conclure à l’issue de la mission A0 à l’absence d’objet géologique susceptible de contenir de l’Amiante Environnemental, la mission A1 s’enclenche. Cette mission nécessite une reconnaissance obligatoire du site, une inspection visuelle de tous les objets géologiques accessibles à l’affleurement afin de rechercher et d’identifier ceux qui sont susceptibles de contenir de l’Amiante Environnemental. Si nécessaire, des investigations telles que des sondages géologiques, des prélèvements d’échantillons pour analyses, ou bien encore des investigations géophysiques peuvent être prescrites par le géologue opérateur de repérage.

Mission A2

Encore une fois, si le géologue opérateur de repérage n’a pas pu conclure à l’issue de la mission A1 à l’absence d’objet géologique susceptible de contenir de l’Amiante Environnemental, l’étude se poursuit par la mission A2. Cette dernière mission vise à préciser la reconnaissance de terrain réalisée lors de la mission précédente en resserrant le quadrillage et les fréquences d’observation notamment au droit des zones suspectes. De plus, des analyses par un laboratoire accrédité devront être réalisées sur les échantillons concernant les objets géologiques suspectés afin de déterminer la présence ou absence d’Amiante Environnemental.

Ce qu’il faut retenir:

Un repérage Amiante Environnemental avant travaux est obligatoire depuis octobre 2020 pour toutes opérations sur des roches et des sols en place. Un arrêté et une norme AFNOR d’application obligatoire viendront préciser courant 2021 que ce repérage doit être réalisé par un géologue spécialisé dans le domaine de l’Amiante Environnemental.

Pour plus de renseignements : contactez notre équipe.

Bureau GDA réalise pour vous les repérages aux formats prévus par la future réglementation (A0, A1 et A2) et accompagne également les entreprises dans l’intégration de ce risque à leurs outils de prévention, ainsi qu’au cours de l’avancement des chantiers sensibles par des suivis spécifiques (A3 et A4, selon la terminologie du guide ED 6142 de l’INRS, avril 2020) afin de garantir la sécurité des équipes tout au long de ces projets.

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